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Un code de gouvernement d'entreprise en Suisse, pour quoi faire ?


Article

PME Magazine - Juillet 2002

______________________

Gouvernement d’entreprise

L’auteur - Olivier Terrettaz, Economiste d'entreprise HES - d'un mémoire traitant de l'adaptation du conseil d’administration au regard du gouvernement d'entreprise porte un œil critique sur le code suisse de bonne pratique d’economiesuisse. Ce texte entre en vigueur au 1er juillet.

Par Aline Yazgi

En Suisse, le gouvernement d'entreprise (Corporate governance) a, pendant de nombreuses années, été considéré comme un simple phénomène de mode et a été négligé par la majorité des observateurs.

Même le VORORT, en 1998, ne voyait pas la nécessité de mettre en place un code de bonne pratique régit par les principes de gouvernement d'entreprise.

Code suisse de bonnes pratiques d'economiesuisse

Mais voilà qu'en 2001, economiesuisse (ex-VORORT) décide précipitamment de réfléchir sur la mise en place de principes de corporate governance.

Cependant, le groupe de travail est formé par quelques "apparatchiks" et ce sont les vues des multinationales suisses qui ont été édictées en recommandations; ce code est celui des entreprises et non des investisseurs.

Des personnes avec une expérience riche du Corporate Governance n'ont même pas été consultées… Il y a MM. A. Baladi, co-fondateur et co-président de l'International Corporate Governance Network, et R. A. Müller, chargé de stratégies économiques et de mandats spéciaux au SECO. Ils ont participé notamment à l'élaboration de principes internationaux, notamment auprès de l'OCDE !

 

Fait encore plus troublant, le projet de code suisse de bonne pratique

a été mis en consultation générale le 28 septembre 2001,

avec un délai de prises de position au 6 novembre,

soit un peu plus d'un mois.

Toutefois, les documents étaient édités uniquement en allemand

et n'ont été traduits qu'à la fin du mois d'octobre en anglais…

 

Depuis plus de dix ans, la notion de gouvernement d'entreprise s'est développée au point que plus de quatre-vingt pays ont adopté un code de bonne conduite. Certain ont mis en place un dispositif législatif important, alors que d'autres se sont uniquement contentés d'élaborer des recommandations, la Suisse faisant partie de cette catégorie.

Il est vrai que trop de réglementation tue l'entrepreneurship, mais un fin dosage permet de vitaliser l'économie. Le code suisse de bonne pratique n'a malheureusement pas été pensé pour être appliqué. Pour cela, il aurait fallu mettre en place ce que les Anglo-Saxons appellent le principe de "comply or explain", où les sociétés ne suivant pas les principes d'un code de bonne pratique doivent motiver leur choix dans le rapport de gestion.

Dans la conférence de presse annuelle d'economiesuisse, le Professeur Böckli mentionne que si "le code suisse ne se présente pas sous la forme d'une directive contraignante, c'est qu'il en a délibérément été décidé ainsi. Le code contient, ni plus, ni moins, des recommandations qui s'alignent sur des minima". C'est vraiment dommage de s'aligner uniquement sur des minima… car justement en appliquant le strict minimum, rien ne sera résolu et la "politique des petits copains" au sein des conseils d'administration pourra ainsi perdurer.

 

Le texte final mis au point s

ur le gouvernement d'entreprise en Suisse

est très dilué et par trop nuancé

afin de ménager toutes les susceptibilités.

 

Quels sont donc ces éléments qui auraient fait la différence ?

Afin de favoriser véritablement la transparence, le code aurait dû exprimer, pour l'inscription d'un objet à l'ordre du jour ou la convocation d'une assemblée générale, une valeur-limite à la place de se contenter de dire que les entreprises peuvent prévoir de l'abaisser.

Le code ne propose pas d'abolir la restriction du droit de vote, qui pourtant est un principe fondamental de la démocratie. Est-il normal qu'une minorité d'actionnaires détiennent la majorité des voix ?

Des questions, même aussi complexes soient-elles, devraient pouvoir être exprimées par oral lors des assemblées générales et pas seulement par écrit. La réponse pourrait toutefois être donnée par écrit avec le procès-verbal par exemple.

Sur ces aspects, il y a encore du travail à faire…

Concernant le rôle du conseil d'administration, le code aurait dû saisir l'opportunité de définir très distinctement ce qu'il est véritablement attendu des administrateurs en parlant notamment de vision, de mission et de la surveillance des délégataires.

Le code est vraiment trop timide sur la composition du conseil d'administration. Pourquoi ne pas parler de la taille du conseil en définissant une fourchette quant au nombre de membre. Il est admis qu'une équipe peine à fonctionner au-delà de 12 personnes et qu'au-dessous de 5 membres, il y a un risque de ne pas posséder toute l'expertise nécessaire. De plus, pourquoi parler de membres non exécutifs et pas de membres indépendants. Il aurait été souhaitable que le code parle de principes d'indépendance des conseils d'administration et de leurs membres, car les membres non-exécutifs sont une conception trop étroite de l'indépendance (pour des explications complètes, je vous recommande de lire les définitions que Pearce et Zahra ont données à ce sujet).

Et pour finir avec la composition du conseil d'administration, pourquoi mentionner dans le code la représentation des personnes possédant des compétences internationales lorsque la société exerce une part significative des ses activités à l'étranger et pas celles de la représentation féminine lorsque l'entreprise est active sur un marché dont les clients sont pour une majorité des femmes !

Le code aurait dû spécifier que le conseil d'administration établisse un profil de compétences de l'équipe afin de déterminer les capacités dont le conseil a besoin lors d'un renouvellement par exemple.

Et sur l'évaluation du conseil d'administration, pourquoi le code parle-t-il seulement de faire le point, alors qu'il faudrait véritablement évaluer le conseil et ses membres.

Un principe qui a déjà fait couler beaucoup d'encre est celui du cumul des fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général ou administrateur-délégué. Le code a fait un petit pas en avant en demandant les raisons pour lesquelles l'entreprise a préféré opter pour le cumul de fonctions. Cependant, je reste convaincu que pour la plupart des entreprises, la séparation des pouvoirs est la meilleure. Pourquoi perdre des forces en nommant un administrateur dont le rôle sera de surveiller le président du conseil. Cela paraît aberrant. En outre, il n'est pas acceptable pour une personne concentrant des pouvoirs presque illimités, tout du moins aussi étendus, d'être juge et partie…

Par contre, le code ne fait absolument pas mention des éléments suivants :

  • "une action = une voix" afin de faire figurer la protection de l'actionnaire;

  • majorité qualifiée lors de vote en assemblée générale qui peut être garante de stabilité dans certains cas, mais est plutôt synonyme d'immobilisme;

  • publication des indemnités versées aux administrateurs et à la direction;

  • transparence et information plus forte et plus claire afin de respecter tous les actionnaires;

  • benchmark international afin que les sociétés suisses ne se comparent pas uniquement entre elles, mais bien avec des sociétés internationales;

  • citoyenneté de l'entreprise afin que le conseil d'administration s'efforce de coopérer activement avec tous les stakeholders.

Néanmoins, le code comporte des améliorations notables, comme celles instaurant la mise à disposition du procès-verbal de l'assemblée générale au plus tard au bout de trois semaines après celle-ci ou le fait que le conseil d'administration doivent désigner un responsable des relations avec les actionnaires en respectant l'égalité de traitement.

Un code de bonne pratique de gouvernement d'entreprise permet de générer une confiance dans les organes des sociétés afin que les investisseurs ne se détournent pas des entreprises au profit de celles où l'information et la communication sont meilleures. Finalement, les signaux que le code suisse de bonne pratique donne aux investisseurs sont très négatifs. Avec le secret bancaire passablement chahuté, les sociétés suisses se réservent des jours de pain noir en matière de financement propre.

Il est regrettable que le débat actuel se déroule sur fond de crise et il est toujours à craindre une intervention de la puissance publique au vu des défaillances apparues dans l'économie suisse.

Toutefois, un principe important est à rappeler, c'est aux actionnaires, ou à leurs représentants de prendre l'initiative des changements à conduire, car cela concerne leur patrimoine et lorsqu'une société met en place un bon gouvernement d'entreprise, celui-ci aura une influence certaine sur ses performances.

 

Le texte original d'Olivier Terrettaz ...

Pour le télécharger, cliquez ici - Fichier en format PDF (Taille 140 Ko)

Sur la toile :

* Le code suisse de bonne pratique du gouvernement d'entreprise mis au point par economiesuisse peut être téléchargé sur : http://www.economiesuisse.ch/f/downloads/ACF6485.pdf.

Il entre en vigueur le 1er juillet 2002 avec la directive sur la transparence de SWX.

* Le rapport de K. Hofstetter sur le gouvernement d'entreprise : http://www.economiesuisse.ch/f/downloads/Rapport_gouvernement_entreprise_2001.pdf.

* International Corporate Governance Network – "Principles" :

* OCDE – "Principles of Corporate Governance" :

www1.oecd.org/daf/governance/principles.htm.

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