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Quand la consanguinité dans les Conseils d'administration menace la santé des entreprises suisse


Article

Agefi - 2 octobre 2002

Rubrique L'invité

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Quand la consanguinité menace la santé des entreprises suisses

l'agefi - Quotidien de l'agence économique et financière à Genève

Par Guy Mettan

Directeur exécutif du Club suisse de la Presse

Ce qui se passe depuis deux ans dans l’économie suisse est tout à fait passionnant. La valse des dirigeants, la déconfiture des arrogants et des importants, les renflouements spectaculaires d’entreprises en déroute, les déclarations tonitruantes mais aussitôt oubliées sur la nécessité de la transparence et de l’ouverture, tout cela ne fait que corroborer ce que les observateurs avertis subodoraient depuis au moins vingt ans, à savoir que l’économie suisse est un jeu à guichets fermés, dont les règles sont définies en vase clos et les joueurs cooptés d’après leur capacité à augmenter la mise bien davantage que sur leurs compétences.

 

L'économie suisse est un jeu à guichets fermés.

 

On pourrait en sourire s’il n’y avait le drame du chômage pour des cohortes d’employés la dégradation de la substance économique du pays. Les vrais entrepreneurs – ceux dont on moquait la gestion prudente et terre-à-terre, les Nestlé et les UBS chez les grands, les milliers de patrons de PME à qui on refusait de faire crédit chez les petits – peuvent désormais savourer leur revanche. C’est grâce à eux que l’économie suisse résiste finalement assez bien aux tempêtes qui l’assaillent depuis l’éclatement de la bulle Internet au printemps 2000.

 

Les maux qui parasitent notre économie

comme des légions de bostryches dans une forêt d’épicéas

ont pour nom : consanguinité et surestimation de soi.

 

Un observation fine des listes de managers et d’administrateurs des entreprises suisses montre en effet que celles-ci se limitent à un réservoir de gens extrêmement étroit. Quelques centaines de personnes, 500 tout au plus, se distribuent l’essentiel des sièges d’administrateurs dans les grandes entreprises du pays. Ce fonctionnement en petit comité est aggravé par la tendance, devenue excessive au cours des années 1990, à confier la présidence du conseil d’administration au directeur général de l’entreprise. Quand celui qui dirige l’entreprise est le même que celui qui la contrôle, tous les abus sont permis. La concentration du pouvoir quasi absolu dans les mains d’une seul ne peut, à terme, que mener à la catastrophe.

On connaît les raisons de cette évolution: la distribution d’importantes «stock options» aux cadres dirigeants les a transformés en actionnaires qui ont intérêt à gonfler la valeur boursière de leur société plutôt qu’à la développer à long terme, cela avec la complicité d’administrateurs qui ont eux aussi tout à gagner dans l’opération. Contrairement à ce qu’affirme une certaine gauche, ce n’est pas la «shareholder value» qu’il faut remettre en cause dans ce processus, car la plupart des actionnaires ordinaires ont été les dindons de cette farce. Si les actionnaires avaient pu jouer correctement leur rôle et défendre leurs intérêts, cette crise aurait été largement évitée. Il serait en effet plus juste de parler de «stakeholder value», c’est-à-dire d’une attention excessive accordée aux intérêts des protagonistes de l’entreprise, et notamment de ses dirigeants, dont beaucoup se sont enrichis aux dépens de leur firme, comme ce fut le cas chez ABB ou chez Enron.

Les dirigeants suisses ont aussi fâcheusement tendance à croire qu’ils peuvent et savent tout faire, qu’ils sont omnipotents parce qu’ils ont réussi dans leur domaine de départ. C’est en vertu de cette certitude qu’on a pu voir le banquier genevois Bénédict Hentsch, puis le fabricant de systèmes électroniques vaudois André Kudelski, se prendre pour des magnats omniscients du transport aérien. Et un ex-patron du Credit suisse comme Robert Jeker sévir dans des secteurs aussi disparates que les machines, la bière et les foires, chez ABB, Georg Fischer, Feldschlösschen et la Foire de Bâle. Et que penser du parcours d’un Andres Leuenberger, venu de la chimie bâloise, et qui, de vice-président de Roche, a porté ensuite ses lumières dans l’assurance, à la présidence de la Rentenanstalt, l’aviation, chez Swissair et à la tête du patronat suisse ? Ou, dans le domaine public, d’un André Hediger, qui croit tout connaître de la direction d’un casino parce qu’il a été élu maire de Genève ?

 

Dans un excellent travail de diplôme

consacré au « conseil d’administration en Suisse »,

le consultant genevois Olivier Terrettaz

met en lumière

les insuffisances du gouvernement d’entreprise en Suisse.

 

L'auteur, Olivier Terrettaz, dresse un catalogue des mesures salutaires à prendre pour ramener un peu d’air dans les salles confinées de nos conseils d’administration.

Une affaire à suivre, à n’en pas douter, car ce n’est pas l’entrée en vigueur précipitée le 1er juillet dernier du Code suisse de bonnes pratiques rédigé à la hâte par les têtes pensantes du patronat, qui suffira à éteindre l’incendie.

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